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File:A Berlin la fronde des anti-Google.pdf

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*A Berlin, la fronde des anti-Google*
*== A Berlin, la fronde des anti-Google == '''La volonté du géant du Net d’installer un « campus » destiné aux start-up au cœur d’un quartier populaire et alternatif suscite la colère de certains habitants.*'''
Le Monde Economie | 24.04.2018 à 17h00 • Mis à jour le 25.04.2018 à 10h43
Par '''*Yves Eudes* ''' (Berlin, envoyé spécial)
complicité des locataires, déploie une banderole anti-Google et tire un feu d’artifice. Au bout d’une heure, les manifestants, épuisés, se replient dans les bars du quartier.
*=== « Soutenir les start-up sans en prendre le contrôle »*=== 
Pourtant, en apparence, tout avait bien commencé. En Allemagne, le groupe possède déjà des bureaux à Hambourg, à Munich et dans un autre quartier
incite les adolescents à se lancer dans la création d’entreprise, et Google a promis de m’aider. »*
*=== Un quartier en souffrance*===
Derrière son image attrayante, Kreuzberg est aussi un quartier en souffrance, traversé par une série de conflits qui se concentrent
(« notre », en turc, « quartier », en allemand), a été fondée en 2015 pour empêcher la fermeture d’une petite épicerie. Depuis, elle a mené plusieurs opérations similaires, avec des succès variables*.*
*=== « MÊME S’ILS RÉUSSISSENT À S’INSTALLER, NOUS LEUR RENDRONS LA VIE IMPOSSIBLE, NOUS ALLONS POURRIR LEUR IMAGE »*===
Pour combattre Google, elle s’est alliée au groupe GloReiche (locataires des rues Glogauer et Reichenberger), créé à l’origine pour défendre une
pâtisserie, et à Lause Bleibt (« Lause persiste »), nébuleuse d’associations et d’ONG autour de la rue Lausitzer. Leur slogan est simple : «* '''''Google n’est pas un bon voisin ! ''''' »*
Le cofondateur de Bizim Kiez, Konstantin (les personnes citées dont le nom de famille n’apparaît pas ont souhaité garder l’anonymat), 31 ans, étudiant et employé d’une société d’aide aux personnes dépendantes, a été choisi comme porte-parole de l’alliance *'': « Google n’a pas choisi Kreuzberg par hasard, ils veulent capter notre créativité et notre esprit d’innovation, pour les confisquer à leur profit. Mais ils ont sous-estimé notre capacité d’organisation et de résistance. Même s’ils réussissent à s’installer, nous leur rendrons la vie impossible, nous allons pourrir leur image. »*''
*===« C’est presque une ZAD urbaine »*===
Pour mobiliser la population, les associations multiplient les « réunions anti-Google » dans les centres culturels, les bibliothèques, les clubs de quartier. De temps à autre, elles s’appuient sur les groupes anti-expulsion spécialistes des occupations et des sit-in, et sur les parents d’élèves des écoles maternelles autogérées, menacées par les hausses de loyer.
La gentrification inquiète aussi les expatriés amoureux de Kreuzberg. Une Texane arrivée depuis peu, qui se fait appeler « Prismaven », milite
presque à plein-temps contre Google :* '' « J’ai quitté Austin, car la vie y est devenue trop chère à cause de l’installation de sociétés high-tech,
notamment Google. En fait, ma ville a été envahie par des travailleurs précaires californiens chassés de San Francisco par la gentrification
effrénée qui sévit là-bas. » *''Or elle découvre que ce scénario se répète : *''« Il faut tout faire pour que Berlin ne subisse pas le sort de San Francisco, qui a perdu son âme à cause des nouveaux riches de la Silicon Valley. »*''
De même, Cyrille, un Parisien séjournant à Kreuzberg pour quelques mois, a rejoint le mouvement. Militant vert aguerri, il a bon espoir de voir les anti-Google l’emporter : *''« Je suis impressionné par le maillage militant qui structure ce quartier. C’est presque une ZAD urbaine, avec un mode de vie à part. Google à Kreuzberg, c’est un peu comme un aéroport à Notre-Dame-des-Landes : on nous dit que la modernisation est inévitable, et puis, non, pas toujours. »*''
En quelques années, Berlin est devenue le point de ralliement de militants américains et européens de l’Internet libre, geeks et hackeurs plus ou
*=== L’image des géants du Net change dans l’opinion*===
Grâce à leur sur son propre terrain, l’Internet. A., un Français installé à Kreuzberg qui souhaite rester anonyme, cherche à donner à la bataille une dimension planétaire : *''« Je veux inciter les habitants à voir au-delà du problème de gentrification et à réfléchir au rôle de Google dans la société, à faire le lien entre le local et le global. »*''
Après avoir prêché dans le désert pendant des années, les militants libertaires ont le sentiment qu’une brèche est en train de s’ouvrir, car
Avec une vingtaine de volontaires recrutés à Kreuzberg et sur le Net, A. a créé un site collaboratif à l’intitulé explicite, « Fuck off Google », qui s’est imposé comme le média de référence pour centraliser l’information sur la campagne et publier le calendrier des événements.
De son côté, Claudio, un informaticien italien vivant à Berlin, a lancé une opération en franc-tireur : *''« J’ai recensé les sites Web des PME et des commerces proches d’Umspannwerk, je les ai analysés et j’ai fait la liste de ceux qui utilisent des logiciels de Google. » *'' Dans un second temps, il souhaite leur suggérer de les remplacer par des logiciels libres dotés de fonctions similaires : *''« L’idée est d’attaquer Google là où ça fait mal, son business model. »*''Claudio pourrait s’allier avec A. le Français, qui rêve aussi d’organiser à Kreuzberg des ateliers de « dégooglisation », où l’on ferait découvrir au public des alternatives *''« libres »* '' à tous les services de Google – recherche, courrier, cartes, documents partagés, traduction, plates-formes
vidéo…
*===« Plus de surveillance et de contrôle social »*===
Par ailleurs, l’extrême gauche classique profite du mouvement pour mener une critique générale des entreprises numériques – précarité extrême,
salaires très bas, stages à répétition, hiérarchie très verticale malgré les apparences, cadences infernales… Alex et Janus, deux étudiants de 26
ans, militants du groupe gauchiste Theorie, Organisation, Praxis (TOP), ont compris l’intérêt stratégique de se fondre dans les luttes locales :
*''« Désormais*, '' assurent-ils, *''notre priorité sera la bataille contre le nouveau capitalisme numérique. »* '' Ils critiquent notamment les grands
expertise, les geeks libertaires attaquent le géant américain projets de smart cities, qui visent à remodeler les villes pour en faire
des cités numériques hyperconnectées et hypersécurisées : *''« Les smart cities ne créeront pas plus d’égalité ni de liberté, seulement plus desurveillance et de contrôle social. »*''
Google possède déjà une filiale baptisée Sidewalk Labs, qui élabore des projets d’urbanisme ambitieux pour des villes comme Toronto. Pour
Kreuzberg, TOP a décidé d’être constructif, en proposant un « contre-campus » : *''« En 2017, un centre culturel situé près d’Umspannwerka été expulsé et a dû fermer. Nous demandons qu’il s’installe dans le bâtiment rénové à la place de Google. »*''
Pendant ce temps, dans Umspannwerk, les travaux commandés par Google avancent. Le chef de chantier explique que le campus aura trois niveaux, et
qu’il sera superbe, confortable et ultramoderne. Il affirme que ses équipes auront terminé vers la fin juillet, pour une ouverture au public en
septembre. A moins que les trublions du quartier ne viennent gâcher la fête.

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